par Diego Ortiz » Mar Fév 12, 2008 9:36 pm
J'y suis retourné le mardi suivant et il y avait grand vent. La pluie battait si fort les tuiles et la lucarne que lorsque je le pris dans les mains le grésillement, les voix, la lointaine conversation étaient inaudibles. Il y avait pourtant quelque chose, là. Une présence, comme un sourire. C'était chaud, ou plutôt chaleureux. Cela se sentait à l'aise, visiblement, à l'intérieur. Je ne voulais pas gâcher ce bonheur. J'avais pris l'Opinel. Un désir insistant m'avait en effet ordonné de déshabiller la mariée avant 2028, contrairement à toutes mes promesses et tous mes voeux. L'Opinel, c'était seulement pour la ficelle, hé, pas de dérapage intempestif. Un accident est vite arrivé.
C'est que je n'avais pas demandé à le retrouver, moi, ce paquet marron. Cela avait été par défi que j'y étais remonté une première fois, dans le grenier. Il était certains que je ne sortirais pas bredouille. Et puis le défi aurait pu nous envoyer jusqu'au coeur de la jungle, jusqu'aux sources du Nil. Je pouvais m'estimer heureux de m'en tirer à si bon compte.
Pas maintenant. Je me trouve placé devant le choix de désobéir au défi et de redescendre en faisant le fier, ou de m'y conformer en me parjurant, ou à rester ici avec ce couteau, oui à vraiment rester ici vous m'avez compris. La pluie bat toujours mais ce que j'entends c'est mon cœur qui s'affole comme un oiseau en cage. Quant au paquet, il est sur mes genoux, intact, fleurant toujours la vanille et la moisissure. Je crois que j'entends à nouveau des voix à l'intérieur, les mêmes, mais la voix sucrée de la femme est haletante. On dirait qu'elle a de la peine à respirer tant son discours est précipité. Celle de l'homme est posée, tente de la calmer.
D'autres sont venus les rejoindre. On s'active. Bon sang ce que mon cœur travaille. Quelque chose va finir par arriver. Et voici que la tête me tourne et que mon esprit vaticine. Je me sentais bien et me voici tout à l'étroit, et cela ne cesse de se resserrer autour de moi, comme un tendre étau. C'est qu'on me pousse par derrière et tout autour, et sans aménité, comme une foule au guichet. Coups de coude. Bouge-toi de là. Arrache t'en, tire-toi. Mets les bouts. Et sans embrouilles, hein. Tout à coup il fait très froid. Il y a comme un silence. La lumière est aveuglante. Il est bleu. C'est un garçon. Il respire. Mais je sens bien que je respire, bande de vaches. Ah, si j'étais venu plus tôt dans ce grenier, et si j'avais vraiment cherché à suivre cette conversation, j'aurais compris ce qui se tramait, et l'aurais déjoué. Vous m'avez bien eu, vous autres.